Dès mes premières recherches plastiques, j’ai toujours été attiré par la notion de membrane, d’une surface sensible qui réagit avec son environnement et tolère un laisser passer. Elle fait écho à notre épiderme, notre premier filtre en contact avec l’extérieur. Cette membrane se matérialise et se construit dans mes installations, en épousant le périmètre des corps, objets ou espaces, délimitant leurs propres limites physiques. Différents espaces se dessinent alors : l’espace intérieur et l’espace extérieur de l’installation.
Cette membrane peut être affirmée et opaque, comme dans la série « Paysage mental » qui a débuté par une recherche sur le milieu carcéral, à l’ancienne prison Saint-Michel de la ville de Toulouse (2021). Ou translucide et légère comme dans l’installation « Paysage scénique #1 » au FRAC Occitanie Montpellier (2020).
Les matériaux avec lesquels je travaille évoluent dans le temps (le plâtre en extérieur et le sucre massé).
J’ai choisi d’accepter leurs caractéristiques et leur propre temporalité dans mes recherches. Accepter le caractère impermanent de la matière dans mes installations est une manière pour moi de mimer le mouvement qui régit la vie sur Terre.
Ces matières délimitent donc à la fois un espace et portent en elles une dimension temporelle, due à leur impermanence.
Le sucre est qualifié « d’aliment mort » par les nutritionnistes, il est nocif et sa consommation sous la forme de sucre blanc est toxique, (je ne parle pas ici du saccarose, présent naturellement dans les aliments ou plantes). C’est donc une matière duale, d’abord elle attire, par la brillance de ses cristaux, son odeur et notre appétence pour le sucre, mais doit nous tenir à distance, nous rappelant son caractère néfaste et mortel, pour le vivant.
Mes différentes recherches sont le résultat d’une co-fabrication avec la matière prise dans des systèmes de fabrication personnels, laissant place au hasard. La base de chaque expérience vient du réel, je n’invente pas la forme, mais des moyens pour qu’elle se forme elle-même. Laisser l’aléatoire entrer dans la construction d’une sculpture, c’est me donner la possibilité d’accueillir un langage universel, qui nous englobe et nous dépasse. Je souhaite faire écho aux images de notre inconscient collectif. Je les appelle les « images-pont », capables de tisser des liens entre les époques et les êtres. Une forme m’attire lorsqu’elle n’est pas seulement devant nous, mais qu’elle convoque et propose autre chose à l’extérieur d’elle-même.
Le travail in situ me permet de renforcer le rapport que l’on a au présent, à l’ici et maintenant et au site qui accueille mes installations. Je propose aux visiteurs une rencontre avec un lieu, une sculpture, une histoire. C’est la présence du visiteur qui complète la scène et la fait vivre.
« Les sculptures d’Hugo Bel ». Louis Doucet, 2022.
Photo © Loic Madec